Elsy Jacobs

Histoire

Elsy Jacobs championne du monde

(Gaston Zangerlé)

Lorsqu’en ce 4 mars 1933 elle arriva dans le foyer des Jacobs, nul ne pouvait imaginer qu’elle serait un jour élevée par ses amis au rang de grande-duchesse. Pourtant, 25 ans plus tard, elle entra par la grande porte dans le gotha des très grands du cyclisme mondial en devenant la première championne du monde de cyclisme sur route à Reims. A partir de ce jour-là, ses amis et ses concurrentes étrangères octroyèrent à la petite Luxembourgeoise aux cheveux blonds le surnom de « grande-duchesse ».

A Garnich, son village natal au Luxembourg, le temps s’écoulait alors tranquillement. Elsy était la dernière-née d’une famille de neuf enfants, dont six étaient encore en vie. Selon l’avis unanime de ses proches, elle dévoila rapidement un caractère bien trempé derrière son délicieux minois d’enfant espiègle.

Au cours de la longue carrière d’Elsy Jacobs, plus d’un organisateur de course allait faire connaissance avec son caractère résolu quand il s’agissait de négocier les contrats de participation. En course, il ne fallait jamais jouer à la plus maligne avec la fille de cultivateur de Garnich, en essayant de sauter les relais ou en laissant sa part de travail aux autres, sous peine d’être larguée au train dans les minutes qui suivaient.

Le professionnalisme d’Elsy était tel qu’en 1957, elle décida de faire du vélo sa vie, et ne possédant ni permis de conduire ni voiture, elle partit s’installer à Paris pour « vivre plus près de ses courses » qu’elle allait disputer tous les week-ends.

 

1958, l’année Elsy Jacobs

Après des années de lutte de la part de certaines fédérations nationales, l’Union Cycliste Internationale (U.C.I.) avait enfin accepté d’organiser des championnats du monde pour dames. Une bonne nouvelle pour la jeune fille de Garnich qui, à 25 ans, approchait de la maturité. Toute sa préparation sous la direction de Raymond Louviot allait être axée sur ce grand rendez-vous qui devait avoir lieu à Reims, sur le circuit automobile de Gueux, le 30 août 1958, la veille de l’épreuve des coureurs professionnels. Entre-temps, elle s’était forgée un nom dans le milieu. Elle figurait sur la liste des «coursières à surveiller». N’avait-elle pas en effet cette année-là remporté 25 victoires en 42 courses, et non pas des moindres, un record! Sur ces 42 épreuves, elle ne rata le podium que quatre fois!

[…] Au bout d’une heure de course, il n’y avait plus de doute sur cette performance que Miroir Sprint appela plus tard un «Exploit Sensationnel». Elle établit un nouveau record du monde de l’heure avec 41 km 348m.

La «grande-duchesse» avait une fois de plus écrit une page de l’histoire du cyclisme féminin. Le record de Millie Robinson appartenait désormais au passé et il fallait attendre quatorze ans, pour qu’en 1972, en altitude sur la piste de Mexico, l’Italienne Maria Cressari améliore la performance d’Elsy de 100 mètres.

Quand la nouvelle atteignit le Luxembourg, la famille Jacobs fut la première à être surprise: Elsy n’avait pas eu le temps d’avertir les siens de sa tentative du 9 novembre!

 

Une carrière hors pair

Après son titre de championne du monde, Elsy fut convoitée par tous les organisateurs de courses cyclistes en Europe. Aventurière depuis toujours, elle vécut désormais plus que jamais entre deux valises.

Par ailleurs, le 21 juin 1959, elle étrenna «enfin» un premier maillot tricolore rouge-blanc-bleu de championne du Luxembourg, un bien qu’elle allait conquérir, à l’exception d’une seule année, jusqu’en 1974. Au total, elle remporta 15 titres de championne du Luxembourg sur route.

A partir de 1958, elle parcourut donc toute l’Europe à la quête des bouquets. Toutes les disciplines étaient les bienvenues : route, piste et cyclo-cross. La passion du vélo, la popularité et l’argent firent qu’elle devint la cycliste la plus heureuse de son époque. Elsy était tout simplement faite pour la compétition. En course, elle ne connaissait plus personne, ni amis ni ennemis, elle n’avait qu’une chose en tête : GAGNER. Ainsi, de 1955 à 1978, l’année de son premier départ à la retraite, elle disputa officiellement 1059 courses, dont elle gagna 301! Elle finit 210 fois seconde et obtint 129 fois la troisième place!

Durant toute sa carrière, l’objectif majeur de ses saisons resta toujours le championnat du monde sur route. Elle y participa au total seize fois et les termina tous.